Un article sur la paroisse dans l’hébdomadaire « Reforme »

Reforme À l’occasion de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, Bernadette Sauvaget, journaliste à l'hebdomadaire
protestant Réforme, est venue le 21 janvier à la paroisse Notre-Dame
Souveraine à Chaville (92) pour faire un reportage sur les orthodoxes
en France. Vous pouvez trouver l'article paru dans le numéro 3208 (25-34 janvier 2007), mais aussi ci-dessous (repris depuis le site Internet Reforme.net)


Le renouveau orthodoxe
 
Alors que s’achève la semaine de l’unité, Réforme
vous propose de plonger dans le monde orthodoxe. En plein
renouvellement, l’orthodoxie accueille aujourd’hui de nombreux immigrés
roumains mais aussi des convertis venus d’autres traditions
chrétiennes. Ses communautés se développent et ses structures cherchent
à s’autonomiser des patriarcats étrangers. Reportage et analyses.
 
par Bernadette SAUVAGET
 
 
 
Une de Réforme  
Ph. Philippe LISSAC © GODONG  

Lié à
une forte vague d’émigration, le nombre de paroisses orthodoxes
roumaines a explosé en France. Au même moment, celles de tradition
russe, le noyau historique de l’orthodoxie hexagonale, diversifiaient
l’origine de leurs fidèles. Eglise Saint-Sulpice, à Paris : au moment
de la communion, chacun se met en rang pour passer devant le prêtre.
Dans les bras de leurs mères, les bébés passent en premier (dans
l’orthodoxie, on peut communier dès le baptême). Eclairée de bougies,
bercée par la mélodie des chants roumains, la crypte s’emplit de
mystères. L’assistance est nombreuse – au moins trois cents personnes –
et jeune, majoritairement des couples avec des enfants en bas âge, des
étudiants, des intellectuels, des ingénieurs… La paroisse connaît un
succès grandissant. Portée, depuis une douzaine d’années, par une
nouvelle vague d’émigration, l’orthodoxie roumaine est en pleine
expansion en France. Il y a dix ans, l’Hexagone comptait cinq paroisses
orthodoxes roumaines. Aujourd’hui, il y en a plus d’une trentaine. Si
le phénomène est marquant en France, il est encore plus massif en
Italie ou en Espagne.

Rue Jean-de-Beauvais, dans le très chic cinquième
arrondissement parisien. L’église orthodoxe roumaine, construite au
milieu du XIXe siècle, demeure la paroisse « historique » de Paris.
Ici, la liturgie se déroule en roumain. On y trouve surtout des gens
modestes. « En Roumanie, beaucoup de villages se sont vidés. Quand les
Roumains arrivent en France, ils ne savent pas trop ce qu’ils vont
faire et frappent à la porte de l’église. Ils demandent plus que
l’apport religieux. Les Roumains viennent ici pour se retrouver et en
profitent pour parler leur langue. Lorsqu’ils ont des problèmes pour se
faire payer, trouver un médecin, ils s’adressent spontanément à nous
pour trouver de l’aide », raconte le père Nistea, l’un des trois
prêtres de la paroisse. Très pratiquants dans leur pays, ces émigrés le
sont encore davantage en situation de déracinement.

Professeur de français dans son pays, Anastasia, arrivée il y
a deux ans, fait un peu figure d’exception. Chaque samedi, elle aide
ses compatriotes à apprendre le français. « Je suis venue en France
pour prolonger mes études», raconte cette jeune intellectuelle de
trente-six ans qui prépare une thèse en linguistique et qui vit en
banlieue parisienne avec son fils. « En France, je me suis sentie
isolée et seule. J’ai commencé à me remettre en question car j’avais de
grands moments d’angoisse et je me suis dit qu’il fallait que j’aille à
l’église. » Dans son pays, la jeune femme n’était pas particulièrement
pratiquante : « On a toujours le prétexte de se dire qu’on n’a pas le
temps. »

Parfois, Anastasia se rend à la crypte de Saint-Sulpice.
«L’Eglise est une communauté. On vient pour prier et participer à la
vie de l’Eglise », explique Stefan, le jeune président de l’association
cultuelle qui gère la paroisse. Avec sa famille, le dimanche, il fait
le trajet depuis Evreux. Il n’y a pas de paroisse roumaine plus proche
de son domicile. « Lorsque j’étais étudiant à Toulouse, j’allais dans
une paroisse russophone », dit-il.

Stefan a aussi fait partie du petit cercle d’étudiants qui
s’est agrégé autour de Mgr Joseph dans les années 90. Rattaché au
patriarcat de Bucarest, ce dernier, un moine à la personnalité très
charismatique, a désormais la responsabilité de 130 paroisses roumaines
en Europe occidentale. Dans le sillage du père Sophronie (une figure de
l’orthodoxie occidentale), il a développé une spiritualité centrée sur
l’eucharistie. A la crypte de Saint-Sulpice, l’iconostase – la cloison
en bois qui sépare les fidèles de l’autel et qui porte des icônes – a
donc été allégée pour permettre à l’assemblée une plus grande
participation. « En Roumanie, j’allais de temps en temps à l’église.
Mais pas de la même manière qu’ici, où l’on encourage beaucoup les gens
à communier », raconte Valentin, un ingénieur informaticien qu’une
entreprise hexagonale est allé chercher dans son pays pour travailler
en France. A Saint-Sulpice, il a vécu une sorte de conversion. Quatre
fois par semaine, il vient, très tôt le matin, avant de se rendre à son
travail, assister à la liturgie.

Comme l’Eglise primitive

Le jeune père Razvan – il a trente-quatre ans – est le
responsable de la paroisse. C’est aussi un disciple de Mgr Joseph.
« Nous nous sentons très bien dans cette crypte. Cela fait référence
pour moi aux chrétiens de l’Eglise primitive. » Il porte la barbe,
comme beaucoup de prêtres orthodoxes. « Je la laisse comme cela.
Symboliquement, cela signifie qu’il faut d’abord et avant tout se
préoccuper des choses essentielles. » Brillant, il appartient à la
nouvelle génération du clergé orthodoxe, intellectuelle et très bien
formée. Après des études scientifiques (notamment à Compiègne), il a
entrepris des études de théologie à Paris, à l’institut Saint-Serge,
réputé au sein de l’orthodoxie. Très logiquement, le père Razvan se
passionne pour les relations entre la religion et la science. A la
paroisse, le courant passe bien entre lui et ses fidèles, à qui il
ressemble. Mais, pour faire vivre sa famille, il est aussi obligé de
travailler. A temps partiel. Ces Eglises de l’émigration n’ont pas les
moyens de rémunérer leur clergé.

Le père Jivko, lui aussi, a un travail. Macédonien d’origine,
il occupe un poste à mi-temps à la mairie de Chaville, dans les
Hauts-de-Seine. Depuis cinq ans, il est aussi en charge de la petite
paroisse orthodoxe russe de la ville. Avant, il officiait à Montargis,
dans le Loiret. Ce dimanche, une trentaine de personnes assistent à la
liturgie. Installée à la tribune, la chorale chante en slavon tandis
que l’office se déroule en français. Créée dans les années vingt, la
paroisse russe a fait construire son lieu de culte dix ans plus tard.
Modeste de taille, l’édifice, construit sur un terrain marécageux qui
le rendait financièrement accessible, ressemble aux jolis pavillons de
banlieue de ces années-là. Pour se distinguer, il y a un juste un petit
bulbe discret sur le toit, qui rappelle les églises russes.

A la fin de la cérémonie, dans une salle adjacente, chacun se
retrouve pour les « agapes », un moment privilégié de convivialité qui
prolonge la communion. Depuis l’arrivée du père Jivko, la paroisse, en
perte de vitesse, a repris une certaine jeunesse. « Je l’ai ouverte sur
la ville», aime-t-il à dire. De nouveaux venus (Bulgares, Russes,
Roumains…) ont rejoint les descendants de l’émigration russe d’après la
révolution de 1917, le noyau historique. La greffe a pris, finalement.
Un temps pourtant, les regards de suspicion ont pesé sur les «
ex-Soviétiques ».

« Nous fréquentons la paroisse pour que notre petite fille
Sophie, qui a six mois, puisse communie », raconte Muriel, une
catholique mariée à Anton, un Russe. Affichant ses soixante-dix-sept
ans, Jean est un « convert ». En butte aux principes moraux de l’Eglise
catholique, il dit trouver dans l’orthodoxie « l’accord entre la vie
spirituelle et la vie en général ». « J’essaie de réponde aux besoins
de chacun », confirme le père Jivko. A son échelle, la paroisse de
Chaville, riche de ses apports, invente sans doute l’orthodoxie
française de demain…

A consulter

orthodoxie.com

Très riche, ce site donne des informations à la fois sur la situation française et internationale.

protestants.org

Le service œcuménique de la Fédération protestante de France
y a mis en ligne les documents qui font le point des dialogues théologiques
orthodoxes-protestants.

Récente